Attulima, premier recueil poétique d’Alain Jouffroy, est structuré en trois parties : L’enfer de l’immobilité (ou l’inexpression de la parole exténuée), Le pacte écarlate (son éveil par le chevalier du Verbe) et La colère amoureuse (effervescente, impudique, faite de plainte et d’animosité).
Illustré par l’artiste surréaliste Roberto Matta, avec lequel le poète noua de solides liens d’amitié à partir de 1952, ce poème à la tonalité baroque reçut l’influence du film Shanghai Gesture de Josef von Sternberg.
Jouffroy a parfois évoqué le personnage d’Attulima comme une résurgence de l’actrice Gene Tierney. Quant au film lui-même, il affirmait que celui-ci avait prédéterminé sa fascination pour l’Extrême-orient.
Dans sa préface à L’ouverture de l’être, Sarane Alexandrian compagnon des jeunes années de Jouffroy, remémore l’influence de Shanghai Gesture sur la folie verbale d’Attulima : « À la sortie du cinéma, quand nous remontâmes l’avenue vers l’Étoile, Jouffroy me dit que ce film lui donnait l’idée d’un poème où il décrirait ses rapports avec le langage comme ceux du héros et de l’héroïne. Le lendemain, il me montra une feuille de papier sur laquelle il avait fait des anagrammes aboutissant au nom d’Attulima, à partir du mot Immobilité qu’il combina avec le nom de Victor Mature (l’acteur principal du film). Et le surlendemain, il commença à versifier une allégorie qui faisait du poème un « homme fatal » entraînant la Parole dans une aventure scabreuse, sadomasochiste, brisante par ses violences et surhumaine par ses jouissances. » Riche en métaphores érotiques, Attulima représente le premier état, fixé par l’écriture, des mythes poétiques personnels que se constitua le jeune poète, en bonne part grâce à Luce Hoctin, sa compagne du moment, déterminante dans la levée de ses inhibitions : « Sans Luce, il n’y aurait eu ni Attulima ni Alain Jouffroy pour écrire ce livre aujourd’hui. […] Luce a été le premier être humain qui m’ait donné le goût démesuré de la vie, la force de m’y tenir. » Henri Michaux qualifia Attulima d’« admirable ». René Char également fut séduit par le matériau de ce poème épique partant à l’assaut de sa propre légende.


