Cet essai de 1997 est la réimpression en un seul volume, grâce aux bons soins de Philippe Sollers, de deux livres d’Alain Jouffroy publiés en 1975 et en 1977 : De l’individualisme-révolutionnaire paru en 10/18, et Le Gué aux éditions Christian Bourgois. De facture libre et déliée, cet essai augmenté de quelques textes nouveaux veut asseoir par l’exemple le concept d’individualisme révolutionnaire, cette loi de passage que le poète inventa entre les êtres singuliers et le collectif, et que résume sa définition de l’année 1965 : « Individualisme révolutionnaire : n.m. Théorie et pratique du rôle révolutionnaire de chaque individu dans la vie de tous les individus. » Par cet aiguillon qui, sa vie durant, lui servit de boussole, Jouffroy a tenté de désarmer les idéologies conservatrices et collectivistes à prétention révolutionnaire qui, à l’entendre, ont trop longtemps minoré ou censuré le rôle émancipateur d’individus, philosophes, poètes, écrivains ou artistes dans l’histoire des arts et de la pensée. Par jeu, par défi, Jouffroy implique dans cet essai plusieurs de ses contemporains qu’il estime potentiellement porteurs de révolutions présentes et à venir, les plaçant au sein d’une sorte de bund clandestin, une société secrète de l’écriture dont il dit « qu’elle fonctionnait à l’insu de ses membres, parce que c’est le seul type d’organisations auxquelles je puisse, moi, adhérer : c’est ma limitation. J’ai détruit en moi la tentation du groupe, le culte de la discipline de groupe, parce que l’écriture me déplace par rapport à toute organisation. » Pour Jouffroy, l’individu est la chance de la collectivité, comme la collectivité est la chance de l’individu. Dans cet ordre d’idées, à la suite de De l’individualisme-révolutionnaire, pratiquant de larges brèches dans les idéologies mourantes que sont alors le stalinisme et le maoïsme, ensemble Alain Jouffroy et Philippe Sollers avancent sur le même gué, celui d’une correspondance amicale savoureuse, d’un échange épistolaire vif et averti sur les représentations aliénantes de leur époque dont rendent compte 28 lettres échangées entre juillet 1976 et avril 1977.






