Fondée par Jean-Christophe Bailly, dirigée par lui et Serge Sautreau, éditée aux Éditions étrangères créées par les deux poètes que soutenait dans leur effort l’éditeur Christian Bourgois, Fin de siècle a connu quatre livraisons de juin 1974 à mars 1977. Bailly et Sautreau sont issus d’un même mouvement, De la déception pure, manifeste froid, défendu avec éloquence à sa naissance par Alain Jouffroy. Plusieurs pages véhémentes de La séance est ouverte louent la qualité de pensée et d’écriture de ces deux jeunes acteurs du Manifeste froid, alors inconnus du public. Dissonante en regard des autres productions de cette fin des années 1970, tant par sa nature que son fonctionnement, Fin de siècle s’est employée à une mise en circulation d’énergies et de pensées plurielles, hors-normes, peu importe qu’elles fussent contradictoires entre elles, et cristallisa un état d’esprit qui n’est pas sans rappeler le Manifeste Froid, disons un certain goût de la déception pure, un peu à la Jacques Vaché, couplé à un féroce appétit d’indépendance, une sobriété formelle quasi-aseptique, une distanciation ironique vis-à-vis de la logorrhée des théoricismes et des démangeaisons collectivistes de l’époque. De cette attitude froidement dandy qui multiplie les bonds de l’esprit, enjambe des abîmes d’habitudes et de conventions, devait surgir le sphinx énigmatique d’une révolution mentale à opérer sur soi. Dans un petit texte liminaire aux accents pommereulliens, la page 5 du n° 1 de la revue déclare : « L’étouffement de la chose mentale, dans la poésie et la peinture – dans la vie même, est la loi de cette époque. Ses systèmes, ses explications, ses analyses, tous les miroirs où elle se contemple, ne font qu’entretenir son refus de la pensée. Pourtant le galvanisme, le vertige, la neige, ne sont pas à démontrer ou à redémontrer. À démonter non plus. Ils sont, comme des îles. On y aborde ou on les manque. Fin de siècle, numéro 1, est l’arrivée d’une fin qui serait à la pensée ce que l’au-delà de la cible est à la flèche. »
S’ensuivent, entre autres contributions, une confession manuscrite d’Yves Buin courant sur des chèques de la Security National Bank de Californie, les extraits de Polaire amazonale manganésie d’Henri-Alexis Baatsch, « Les Visions du couchant » de Jean-Christophe Bailly, la « Lettre à M… » poème de Geneviève Clancy, des poèmes de Michel Bulteau et de Jean-Jacques Faussot, instigateurs avec Matthieu Messagier et Jacques Ferry du Manifeste électrique aux paupières de jupe.
Au fil des ans, la revue agrandit le nombre de ses contributeurs. Elle accueillera les textes de Jacques Dyck, Philippe Domecq, Piotr Kowalski, Nanos Valaoritis, Patrice Covo, Mucha (Lucienne Silberg), Hélène Renon, Michelle Cointe, ainsi que les poèmes de la mystérieuse Sky Garner dont le destinataire semble avoir été Alain Jouffroy. Ce dernier n’a jamais figuré au comité de rédaction de Fin de siècle, mais sa présence dans la revue n’en est pas moins marquante, à telle enseigne qu’en page de titre de son ultime livraison en mars 1977, le poète exprime ses remerciements au tandem Bailly-Sautreau pour lui avoir offert de s’exprimer sans réserves, chose, précise-t-il, qui ne lui avait plus été permise depuis 1966 et le numéro zéro d’Apparatus. Parmi les contributions majeures de Jouffroy à Fin de siècle, on trouve les premiers poèmes de son recueil Eternité zone tropicale alors inédit au moment de sa publication, « Daniel Pommereulle : fin de siècle » et « La prophétie de la mémoire » illustrée par Matta.
On retrouve parmi les auteurs :
N°1 : Yves Buin, Alain Jouffroy, Henri-Alexis Baatsch, Jean-Christophe Bailly, Serge Sautreau, Jacques Monory, Henrich von Kleist, Geneviève Clancy, Antonio Recalcati, Georg Büchner, Jean-Jacque Faussot, Michel Bulteau, André Velter, Robert Cordier, Gérard Fromanger.
N°2 : Jean-Christophe Bailly, Henri-Alexis Baatsch, Antonio Recalcati, Stanislas Rodansky, Karl-Philipp Moritz, Jacqueline Dauriac, Jean-Luc Parant, Erro, Alain Jouffroy, Yves Buin, Jacques Monory.
N°3 : Jean-Christophe Bailly, Adalbert von Chamisso, Daniel Pommereulle, Henri-Alexis Baatsch, Piotr Kowalski, Yves Buin, Serge Sautreau, Alain Jouffroy.
N°4 : François Topino-Lebrun, Patrice Covo, Nanos Valaoritis, Hélène Renon, Sky Garner, Marie-José Parra-Aledo, Mucha (Lucienne Silberg), Michèle Cointe, Philippe Sergeant, Bertrand Lampin, Jacques Dyck, Michel Bulteau, Jean-Luc Parant, Philippe Domecq, Oyvind Fahlström.


