En 1972, Alain Jouffroy réunit dans ce volume quelques-uns des textes qu’il a consacré à la défense d’une certaine poésie bien comprise, décidé à lutter contre les formes de censure dont l’expérience poétique demeure l’objet en ce début des années 1970. Dans cette optique, il entend remettre à leur vraie place certaines œuvres : celle de Jean-Pierre Duprey, ses poèmes composant La fin et la manière, les poèmes méconnus de Georges Bataille, entre autres les écrits de Bernard Noël, Serge Sautreau, Yves Buin, Matthieu Messagier… La démonstration de leur génie d’invention lui permet d’affirmer sa volonté d’accélération historique qui ne se dépare pas du sentiment vif d’appartenir à une communauté seconde, une société secrète de l’écriture œuvrant à l’insu de ses propres membres. Au reste, ce volume renseigne sur l’exceptionnel mérite de l’éditeur François Di Dio qui a su réunir à l’enseigne du Soleil Noir les poèmes de Duprey, Joyce Mansour, Claude Pélieu.
Le livre se conclue par un essai sur papier rose, Discours sur le peu de révolution écrit dans le prolongement de Mai 1968, dans lequel le poète confie : « J’ai vécu, depuis 1946, dans la marge extrêmement floue, le terrain variable et très « vague que la société bourgeoise réserve aux intellectuels : j’ai agi par la bande, sous roche, et il est probable que je continuerai à le faire si les conditions de lutte des intellectuels ne changent pas. Mais je ne désespère pas de voir s’accroître de plus en plus - quoi qu’en disent tous ceux qui lui accordent peu d’influence - ce que je nommerai le pouvoir latéral de l’écriture. Ceux qui m’écrivent, par exemple, chaque année plus nombreux, et qui ont pour la plupart près de vingt ans de moins que moi, ne sont pas à mes yeux de simples
« lecteurs » bornés par l’opération muette et peu agissante de la lecture. Quelques-uns d’entre eux, on l’a vu, sont des poètes. C’est pourquoi leurs signes me sont utiles, pourquoi je les oublie de moins en moins en écrivant. »
