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Le Mur de la vie privée,
1960

Ce roman épistolaire porté par une seule voix, préfacé par Max-Pol Fouchet, écrit avec un rien de froideur et beaucoup de finesse, avait obtenu à l’hiver 1959 le prix Combat. Composée d’une série de lettres et d’un épilogue, cette correspondance, celle qu’un journaliste français séjournant à New-York adresse à sa femme demeurée à Paris, suit le ruban temporel d’un été. Ses lettres content le drame dont le narrateur a été témoin : la passion racinienne de son ami Ttorio, grand reporter-photographe, pour Pola, épouse malheureuse de son collègue Grégorius, peintre talentueux au caractère entier et difficile. Le roman culmine avec le suicide de Grégorius et l’opprobre qui vient frapper Ttorio, l’opinion publique le tenant pour premier responsable de la mort de son ami et rival. Malgré l’amour qu’elle lui porte, Pola ne suivra pas Ttorio en Europe. Dans ce roman, Jouffroy n’a pas seulement souhaité rappeler le caractère tragique des passions incendiaires, il s’est également attaché à montrer la difficulté à percer le mystère quotidien des autres, comme à dénoncer le rôle néfaste d’accusateurs publics qui aiment à rendre leurs sentences sur les tréteaux publics sans n’avoir jamais rien su des tenants et aboutissants de cette malheureuse affaire. Pour Alain Jouffroy, ce roman fut un moyen d’exorciser l’événement dramatique qui le conduisit à l’exclusion du groupe surréaliste en novembre 1948. Cette année-là, avec Jean-Dominique Rey, Stanislas Rodanski et Sarane Alexandrian à ses côtés, il prend position pour le peintre Matta, contre l’avis du groupe surréaliste tout entier qui vient d’exclure l’artiste pour ignominie morale, peu après que Breton eût découvert sa relation avec l’épouse du peintre Arshile Gorky. Ce dernier, malheureux en amour, atteint d’un cancer, avait mis fin à ses jours par pendaison quelques mois plus tôt.