Préfacé par Pascal Letellier, commissaire de l’exposition éponyme présentée à Cherbourg en 2000, cet essai conjugue deux perspectives. D’une part, il reconstitue en textes et images l’exposition-manifeste « Les Objecteurs » organisée par Alain Jouffroy en 1965, autour de jeunes artistes qui ont voulu faire de l’objet en art le porteur d’une charge subversive (ainsi, Arman, Tetsumi Kudō, Daniel Pommereulle, Jean-Pierre Raynaud, Daniel Spoerri). D’autre part, cet essai distingue certains artistes contemporains que Jouffroy qualifie d’Artmakers : Jérome Basserode, Alain Bublex, Claude Closky, Frédéric Coupet, Michel Guet et Monique Le Houelleur. Cette nouvelle génération qui questionne l’objet et le réel, pour Jouffroy perpétue l’esprit d’innovation des Objecteurs dont ils renouvellent le champ d’expression dans le contexte artistique du XXIe siècle naissant. Un artmaker, écrit Jouffroy, « ne se borne pas, en effet, à changer de technique et de moyen d’expression, ni à les alterner simultanément. Il ne se contente pas non plus de s’exprimer. Il cherche à dégager le sens inhérent aux matériaux qu’il utilise, et à construire un sens supérieur, transcendant par rapport aux matériaux. » Cette invitation de l’auteur à suivre l’aventure de l’esprit par-delà les générations fait sienne la formule de Nietzsche qui ouvre cet essai  : « Plus de peintres. Une armée de chercheurs d’idées ingénieuses. De l’esprit, non de touche, mais dans le choix du sujet. Littérature du pinceau. » En effet, il y a beau temps que les notions de goût et de style ne répondent plus, pour Jouffroy, à aucun appel profond en art, et que l’absence de pensée contribue à son inintelligibilité avec la vie.