« C’est avec des idées et des dispositions fort diverses que nous nous sommes réunis pour faire d’OPUS INTERNATIONAL une revue des langages et des significations. Néanmoins, certains dénominateurs nous sont communs dans leur généralité, et, à défaut d’une doctrine, ils apportent quelque cohésion à une entreprise dont nous ne nous dissimulons pas le caractère aventureux. OPUS INTERNATIONAL entend marquer les prises de position et mettre en lumière les travaux d’une génération consciente de vivre à une époque de mutations fondamentales […] OPUS INTERNATIONAL pour être rédigé à Paris, n’a aucune vocation d’apologétique, et l’adjectif du titre dit bien que nous nous refusons à tout insularisme. C’est là même l’une de nos convictions que rien ne se fait ni ne peut se faire de décisif, si l’on ne dénonce pas dès l’abord toute revendication nationaliste. Nous nous déclarons attentifs à la diversité, et nous en sommes partisans […] À tout le moins, nous sommes convenus de multiplier les liaisons entre les différents langages, dans le domaine des arts et des lettres comme dans celui des sciences humaines. […] OPUS INTERNATIONAL n’est donc pas une revue d’art, ou de littérature, ou de musique, ou de théâtre, ou de cinéma… Ses intérêts ne sont pas catégorisés et ne se reconnaissent pas, là non plus, de frontières. »
Référence-clé de l’histoire de la critique d’art moderne et contemporaine de la seconde moitié du XXe siècle, fondée en 1967 par l’éditeur Georges Fall, jusqu’en 1995 Opus International aura marqué la critique d’art par son esprit d’ouverture, son positionnement créatif, la diversité des thématiques abordées et la qualité de ses contributeurs. Jean-Clarence Lambert qui proposa le titre de la revue en fut le premier rédacteur en chef. Il associa à son comité de rédaction Gérald Gassiot-Talabot, Alain Jouffroy, Raoul-Jean Moulin et Jean-Jacques Lévêque qui formèrent l’équipe éditoriale de base, laquelle s’élargira ensuite à plusieurs autres figures remarquées : Anne Tronche, Pierre Gaudibert, Denise Miège, Giovanni Joppolo, Jean-Louis Pradel, Bernard Lamarche-Vadel, Jean-Luc Chalumeau…
Installée au 15 rue Montsouris à Paris, la revue affiche une périodicité trimestrielle et se donne l’ambition de couvrir l’actualité des avant-gardes culturelles de son temps : surréalisme, Nouveau Réalisme, Pop art, Op’art, Abstraction analytique, Art conceptuel, Arte Povera…. Son attention se porte également sur les scènes émergentes de l’art contemporain ainsi Tokyo et Sao Paulo, mais également sur les pratiques artistiques bénéficiant des dernières innovations technologiques, la vidéo et l’ordinateur par exemple, sans négliger non plus les formes d’art populaires comme la bande-dessinée. Sa direction artistique fut d’abord confiée à l’illustrateur Roman Cieslewicz dont les couvertures détonnent pour l’époque.
Entre 1967 et 1973, l’implication d’Alain Jouffroy dans les pages de la revue est considérable. Il participe activement à son orientation éditoriale, y publie de très nombreux textes, entretiens et interviews sollicitant des personnalités aussi diverses que John Cage, Marcel Duchamp, Takis ou Jean-Luc Godard, pilote également des dossiers éclairant les tendances nouvelles de l’art et thématise certains numéros qui ambitionnent de repenser les pratiques artistiques dans leur rapport aux bouleversements sociaux et politiques de leur temps. Par ailleurs, il arrive que Jouffroy adopte la posture du reporter, livrant ses commentaires à vif sur le terrain, par exemple lors de la flambée de mai 1968. La conclusion de son premier texte « Le siège de Paris IV – L’Amérique, L’Europe, la bêtise et la peinture » publié dans le numéro n°1 d’Opus International, est sans équivoque sur l’esprit de prospective dans lequel il entend travailler tout en réaffirmant son indépendance critique : « Je suis heureux d’écrire ces quelques pages dans une revue qui se propose de faire passer le courant entre la peinture, le cinéma, la littérature et la musique. Si nous avons un rôle à jouer à Paris, c’est bien celui-là : élargir le débat, dominer la production par la multiplicité et la rigueur des points de vue, tout réinterpréter, participer à l’aventure internationale de la transformation actuelle de la pensée et du monde, devancer les idées nouvelles sans les suivre par mimétisme, et prouver une fois pour toutes que tout est possible, partout, en Europe comme ailleurs, au-delà de toutes les morts successives de la peinture, et de l’art. »







