Fruit d’une collaboration artistique entre Alain Jouffroy et le peintre Victor Brauner, ce recueil aux faux airs de poème d’exhortation a reçu, entre autres influences, celle de la notion japonaise de satori : éveil de soi et du monde, saisie intuitive de la nature des choses produite par un instant d’illumination élargissant la conscience au-delà des limites de l’ego. En 1947, le jeune Jouffroy a découvert les écrits de Daisetz Teitaro Suzuki, interprète et passeur du bouddhisme zen en Occident. Deux ans plus tard, Henri Michaux lui conseille la lecture de L’Art chevaleresque du tir à l’arc d’Eugen Herrigel, illuminante pour le jeune poète qui porte attention à certains cheminements spirituels zen dont les poèmes concis de Tire à l’arc se font l’écho. À la fin des années 1950, Michaux et Jouffroy découvrent ensemble les films de Kon Ishikawa et les œuvres de Toshimitsu Imaï exposées sur les cimaises de la galerie Stadler. À l’invitation de son aîné, Jouffroy assiste également dans les murs du musée Guimet à plusieurs représentations de théâtre Nô, de danse Butô, de musique impériale japonaise. C’est ainsi que Michaux s’employant à un rôle d’intercesseur discret, développa chez le jeune Jouffroy un sincère désir de Japon. Si le jeune poète a comparé l’écriture de son Tire à l’arc à une suite d’exercices rituels du zen, et certaines de ses fulgurances écrites comme la résultante d’un état vécu de satori. Mais l’influence de Victor Brauner dans ce recueil n’est pas moins présente que celle de Michaux : « Je me suis en quelque sorte réveillé à moi-même par une sorte de parthénogenèse picturale. Mes poèmes de cette époque furent les descendants de la grande peinture de Victor Brauner […] ».


