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Piero di Cosimo, ou la
forêt sacrilège,
1982 (2021)

Dans cet essai dédicacé à André Breton, Alain Jouffroy propose une lecture non-académique de l’œuvre du peintre florentin Piero di Cosimo (1462-1522), connu pour avoir portraituré la très belle et vénéneuse Simonetta Vespucci. L’auteur nous figure ce contemporain de Machiavel en artiste indépendant, distant des pouvoirs constitués à son époque et métaphysiquement affranchi du « carcan inquisitorial du monothéisme ». En effet, Jouffroy souligne que les toiles du peintre pleines de combats et d’amours sensuelles, célébrant en somme l’existence terrestre, sont aussi « longues et basses d’où le ciel de la transcendance est presque absent ». Il eût fallu du sang, du feu, de la volupté pour écrire ce premier livre français sur Piero di Cosimo, déclare Jouffroy, renchérissant : « Il eût fallu courir les forêts et galoper à cheval au bord de la mer, il eût fallu se battre avec les mêmes bêtes féroces et s’enivrer du même vin, et je ne l’ai pas fait. Je le déplore d’autant plus que sa peinture est incitatrice de désordres amoureux et je dois demander pardon de lui avoir ainsi désobéi.» En outre, l’interprétation faite par Jouffroy des meilleurs tableaux mythologiques du peintre - Combat des Centaures et des Lapithes, La Mort de Procris, Vénus, Mars et amours - laisse entendre que ces œuvres inquiètes fonctionnent comme une mise à distance, voire comme une résistance à l’esprit du temps de la Renaissance florentine. Piero di Cosimo qu’il rapproche de Lucrèce et d’Ovide, représenterait alors un « probable mouvement d’opposition clandestin aux dogmes de la philosophie néo-platonicienne à la mode ». Cet artiste indocile, extravagant, pénétré de mélancolie, a-t-il été un peintre non-platonicien, étranger au monothéisme, « nostalgique du triomphe sur l’impossible, qui aurait trouvé le moyen de s’exiler dans sa propre cité » ? Jouffroy le pense et l’affirme. Rappelons que le titre de cet essai (réimprimé aux éditions l’Atelier contemporain en 2021) emprunte sa forêt sacrilège au recueil poétique de Jean-Pierre Duprey, poème ami de l’auteur, disparu en 1959.